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Voilà plus d’une semaine que les attaques terroristes ont eu lieu. Voilà environ une semaine également que notre bien pensante unité nationale est louée encore et encore.
Nous commençons à avoir enfin une analyse des faits, du comment a-t-on pu en arriver là. Comment ces trois français ont-ils pu devenir ce qu’ils sont devenu etc etc.
La voix unanime des médias nous présente majoritairement les faits suivants : ces personnes sont des enfants d’Al-Qaïda (en l’occurrence de la branche Yemenite pour les frères Kouachi) et de Daech (pour Amedy Coulibaly).
Ces personnes ont eu l’aide de complices (certains d’entre eux ce sont d’ailleurs réfugiés en Syrie), et se sont probablement fourni en armes en Belgique, plaque tournante déclarée du trafique d’armes pour le grand banditisme (information non vérifiée pour le moment mais relayée par tous les médias).
Ces trois terroristes ont également fait leurs armes en prison, endoctrinés par des islamistes, et ont également été enrôlés dans une organisation dite « Des Buttes Chaumons » ou ils organisaient des départs vers la Syrie, le Yemen etc.
Une voix unanime se lève pour dire qu’il faudra donc renforcer le renseignement, donner plus de moyen à la police pour déceler ce genre d’individus, démanteler les réseaux et construire des prisons en isolant les endoctrineurs.
Les experts du terrorisme et les anciens patrons des cellules anti-terroristes qui se sont rendus sur toutes les ondes n’ont eu de cesse de rappeler que cela ne suffirait pas, que c’était important mais qu’il fallait également poursuivre et intensifier les opérations dans les pays qui sont le terreau de l’islamisme radical tel que l’Irak et d’ailleurs aussi la Syrie (rappelons ici que François Hollande était déterminé à frapper la Syrie il y a un an, mais que notre illustre et grand président américain a été bien trop frileux pour se lancer dans une telle entreprise pour la Paix), mais également au Mali ou la France intervient déjà.
Cette voix là nous l’entendons un peu moins, et pourtant elle est importante également.
Une autre voix unanime s’est levée de par le monde, celle de la liberté d’expression qu’il faudra à tout prix préserver.
Attendez, que je me marre.
Avant la publication du nouveau Charlie Hebdo tout le monde était là pour conter à quel point ils supportaient le journal, à quel point on avait le droit de dessiner ce qu’on voulait, qu’ils étaient prêts à mourir pour cette liberté.
Force est de constater qu’après la publication de nouveaux dessins de Mahomet, je crois qu’il y a autant de journaux qui ont publié la Une de Charlie que de journaux qui ne l’ont pas publié, et ce, « pour des choix éditoriaux ».
Eh bien, moi je vous le dis, il a bon dos le choix éditorial !
Par ailleurs, comme la journaliste féministe Caroline Fourest le rappelait très bien ces derniers jours, si lors des premiers scandales il y a quelques années dont avait fait l’objet Charlie Hebdo pour ses publications de dessin du prophète Mahomet, après celle du journal danois, si tous les journaux du monde entier avaient également publié ces dessins, Charlie Hebdo n’aurait pas été une cible. Mais là j’en conviens, s’aurait été une dictature de la bienpensance également.
Mais attendez ! Je me marre encore plus !!
Après la publication du dessin, le pape a déclaré « Si mon ami insulte ma mère, il peut s’attendre à ce que je lui foute mon point dans sa gueule ». (Sa mère est encore en vie ?!! En fait c’est elle Jesus !! Je crois que Jean Paul II, lui qui a su pardonné l'homme lui qui lui avait tiré en plein ventre, doit faire l'helicoptère dans sa tombe jusqu'en l'an 3000 au moins après avoir entendu notre pape actuel) Dire que je l'aimais bien moi ce pape.
Plus sérieusement, rappelons que, non, son ami n’est pas libre d’insulter sa mère (sic), c’est puni par la loi (en tout cas en France et en Europe). Se faire justice soit même également. C’est ça –entre autre-, vivre dans un pays libre.
Vivre dans un pays libre c’est avoir confiance en sa justice. Avoir confiance en son pays.
Mais vivre dans un pays, c’est également accepter ses valeurs. En l’occurrence en France il y a quelque chose de sacrée : la laïcité. De la liberté d'expression et de la laïcité découle entre autres la liberté de rire des religions.
Et encore une fois, il y a une grande différence entre « rire de » et « insulter », il paraît bon de le rappeler.
Alors oui, tout cela est bien beau, ces conclusions, ces faits, sont pour la pluparts, vrais et essentiels.
Renforcer les moyens policiers peut être bon (il faudrait tout de même analyser l’effet que cela aurait réellement avant de s’y lancer les yeux fermés) ;
La liberté d’expression est un des bien les plus précieux que nous avons dans notre démocratie et le rappeler ne peut être que bénéfique -mais le revendiquer tout en ne publiant que selon des « choix éditoriaux bienpensants » est quelque peu hypocrite ;
Mener des guerres contre le Djihadisme dans d’autres pays pour démanteler et neutraliser ces réseaux est très louable et également nécessaire aujourd’hui.
Mais si nous agissons uniquement sur ces points là, alors notre combat sera perdu d’avance.
Si nous ne faisons qu’analyser cela, nous échouerons dans notre exercice, et ces scènes d’horreurs se répèterons encore et encore, jusqu’à ce que notre société sera devenue autoritaire elle aussi. N’oublions pas que ceux qui sont morts à Charlie Hebdo étaient des libertaires, ce serait là leur faire une bien belle insulte.
Comme je le disais dans le tout premier billet de mon blog : Tout est lié. Si l’affirmation semble évidente, devant ces attentats beaucoup semblent l’oublier. Je disais également que nous sommes tous responsables de ce qui c’est passé, et je le réaffirme. Mais je pense aujourd’hui devoir ajouter que nous sommes également tous coupables.
Nous ne sommes pas responsables parce que nous n’avons pas donné à la police les moyens de nous protéger, parce que nous n’avons pas pris la mesure de ce qu’était la liberté de la presse, ou que nous n’ayons pas fait assez la guerre en dehors de nos frontières.
Nous sommes responsables car nous avons laissé ces trois jeunes français, dès leur plus jeune âge sans aucun soutien. Et là je vous invite fortement à lire cet interview : « L’enfance misérable des frères Kouachi », à mon sens capitale dans le pourquoi du comment de cette histoire. C’est l’interview d’une ancienne voisine des frères Kouachi. Rien à ajouter, rien à enlever.
A LIRE ABSOLUMENT.
Nous sommes coupables. Oui nous sommes coupables.
Nous sommes coupables de notre sectarisme envers l’islam
Nous sommes coupables de notre égoïsme.
Nous sommes coupables de ne pas avoir compris ce que nous avions sous nos yeux.
Nous sommes coupables d’avoir pensé que ces personnes dans les ghettos, les quartiers, sont des assistés et que nous ne pouvons rien pour eux in fine à part les expulser.
Nous sommes coupables de les avoir ghettoïsé.
Nous sommes coupable d’avoir rejeté en marge de la république ces jeunes aujourd’hui en âge de se venger.
Nous sommes coupables d’avoir laissé le monde devenir ce qu’il est parce que « C’est comme ça » , qu’« On ne peut rien y changer ».
Nous sommes coupables d’avoir cru que nous ne pouvions agir sur rien.
Nous sommes coupables de ne pas agir au quotidien pour un monde meilleur.
Car oui, le monde se change au quotidien. J’ajouterais que le monde ne se change qu’au quotidien.
Cette marche de dimanche ne servira à rien si nous continuons à vivre notre vie comme avant.
Mais cette analyse dépasse ce qu’on pourrait qualifier d’angélisme de gauche, car en effet ce que je viens d’écrire y ressemble beaucoup.
J’en entends d’ailleurs déjà beaucoup venir vers moi et me traiter d’angéliste, de me montrer ces images de manifestation anti-charlie hebdo à travers le monde, ces drapeaux français brulés, etc etc. De me dire que nous sommes dans un conflit de civilisation (sic notre super star Sarko-l'égo), et que dire que c’est dans mon quotidien que je vais changer le monde c’est être naïf, stupide etc.
Non il n’y a pas d’angélisme, mais bien au contraire du réalisme.
Il faut que nous arrêtions notre hypocrisie.
Pour cela je vous invite tous à lire « La Haine de l’Occident » de Jean Ziegler. Il faut prendre conscience de notre propre traitement « du reste du monde ».
Il ne nous faut pas uniquement réagir à la haine que certains peuvent développer envers les représentations de nos sociétés, mais la comprendre et ainsi ne pas seulement déployer des outils de réaction, mais agir bien en amont, en prévention.
Nous sommes coupables de la condescendance que nos sociétés applique sur ces pays dits « musulmans » « arabes » ou je ne sais quel autre pays « non occidentalisé ».
Nous sommes coupables, nous occidentaux, de tuer des innocents avec des drones
Nous sommes coupables de nous dire que « Ce sont des bavures que voulez vous ». « On y peut rien ». Foutaise !
Nous sommes aussi coupables d’exploiter leurs ressources et de laisser les populations autochtones aux mains de dictateurs corrompus.
Nous sommes coupables de mener la planète droit au désastre environnemental.
Ainsi, croire que nous sommes dans un conflit de civilisation, c’est faire le jeu de ceux là même qui tuent au nom de je ne sais quel dieu ou création de l’esprit.
Croire que nous sommes dans un conflit de civilisation c’est penser que notre civilisation (celle là même qui tue par des drones, qui corrompt, qui construit des murs entre les peuples, qui détruit la planète....) est meilleure qu’une autre. Les civilisations ne peuvent se comparer.
Croire que nous sommes dans un conflit de civilisation c’est nier la réalité de dimanche dernier, ou des millions de femmes et d’hommes, de tous âges, de toutes origines, de toutes religions, de toutes orientations sexuelle, de toutes opinions, de toutes couleurs de peau, ont défilé ensemble car ils croient en la paix. Tous égaux, libres, et frères.
Tous différents et tous unis pour la paix.
Michel